Parmi les pratiques corporelles que j’ai longuement expérimentées et qui m’ont beaucoup apporté aussi bien personnellement que professionnellement, il y a le Feldenkrais. En voici, une brève présentation.
Le Feldenkrais® est une approche corporelle qui appartient au courant de l’éducation somatique. Cette approche utilise le mouvement afin d’améliorer le bien-être et porte le nom de celui qui l’a élaborée ; à savoir Moshe Feldenkrais.
Moshe Feldenkrais
Moshe Feldenkrais, né en Ukraine en 1904 a eu un parcours impressionnant. Ainsi, à 14 ans, il part seul pour la Palestine où il travaille comme ouvrier puis comme géomètre. Après une prise d’études, il travaille comme précepteur auprès d’étudiants en difficulté. Grand sportif, il pratique assidûment le Jiu-Jitsu (art d’auto-défense) et le football. C’est d’ailleurs au football qu’il se blessera une première fois au genou. Il s’intéresse également au Yoga et à l’hypnose.
En 1928, une bourse, lui permet de venir étudier à Paris. A la Sorbonne, il étudie la physique, les mathématiques, la mécanique et l’électricité. Il obtient un diplôme d’ingénieur en mécanique et en électricité ainsi qu’un diplôme de docteur en sciences physiques. A partir de 1938, il sera le principal assistant de Frédéric Joliot-Curie (qui avait obtenu le prix Nobel de Chimie en 1935). A Paris, il fera également la rencontre de Jigoro Kano, fondateur du Judo et deviendra une des premières Ceinture Noire de Judo en France.
Durant la seconde guerre mondiale, il se rendra en Angleterre et travaillera pour les services secrets de la marine britannique. Il contribuera notamment à mettre au point le sonar utilisé pour la détection des sous-marins. A cette période, il se blesse à nouveau très gravement au genou, au point que les médecins lui propose une opération chirurgicale mais avec une faible probabilité de réussite. Il refuse cette opération et décide alors d’explorer par lui-même comment se déplacer sans douleur. Cet événement est le point de départ de l’élaboration de sa méthode. Sa recherche personnelle via le travail corporel associé à ses connaissances en physique, en biologie, en neurologie et en arts martiaux permettent le développement de celle-ci. Il n’aura ensuite de cesse de la développer, de poursuivre ses recherches, d’enseigner sa méthode, d’écrire et aussi de former des praticiens. Il terminera sa vie à Tel-Aviv, en Israël, en 1984.
Les grands principes du Feldenkrais
Moshe Feldenkrais part du postulat qu’un fonctionnement moteur entravé ou incomplet a un impact sur toutes les fonctions biologiques, telles que la respiration, la digestion, nos émotions, nos comportements. Ainsi, la méthode Feldenkrais est une approche éducative basée sur la prise de conscience par le mouvement et l’intégration fonctionnelle. Dans cette approche, chaque personne s’engage dans un processus de découverte lui permettant de (re)trouver et améliorer sa propre fonctionnalité.
Elle vise la recherche d’une organisation plus aisée et efficace pour ses actions, tant dans la vie quotidienne que dans la pratique d’un sport ou d’un art. Elle contribue au développement de la coordination des mouvements et favorise une meilleure mobilité. Elle favorise une diminution des tensions corporelles inutiles. Cette approche aide à développer notre disponibilité physique et psychique afin d’accroitre notre bien-être. Elle amène à prendre conscience de notre corps à travers le mouvement dans l’espace, dans l’environnement et à travers les sensations kinesthésiques associées.… Les variations de mouvement proposées, permettent d’affiner sa conscience corporelle (à mieux se sentir) et invite à fonctionner plus librement.
« La séance de Feldenkrais qui propose de manière apparemment paradoxale de répéter longuement presque le même mouvement alors qu’elle annonce vouloir sortir des habitudes, suppose finalement qu’en refaisant plusieurs fois le même mouvement et en portant son attention sur les petites différences et les tendances au mouvement, le « presque » prendra le pas sur le « même » ; la répétition devient donc expérimentation des multiples variations. » L’invention du temps dans la séance Feldenkrais. – dans l’ouvrage Penser les somatiques avec Feldenkrais sous la direction d’Isabelle Ginot (p.69)
Marie Bardet et Isabelle Ginot
Ainsi, en explorant le mouvement et les actions tels qu’ils se déroulent, sans a priori ni jugement alors de nouvelles solutions peuvent émerger. Elle nous apprend comment chaque partie du corps coopère dans tout mouvement. Et nous permet de (re)trouver de nouvelles manières d’être assis, de se lever, de se tenir debout, de marcher… De fait, elle contribue à chacun d’être plus autonome et confiant dans son aptitude à trouver ses propres solutions lorsqu’il entreprend ses actions.
Nos limitations dans le mouvement ne proviennent pas toujours de limites mécaniques au niveau des articulations ou au niveau musculaire ; elles peuvent provenir de la façon dont le système nerveux central organise le mouvement. Les recherches en neurophysiologie montrent que le système nerveux possède une capacité à se réorganiser donc en stimulant ce potentiel nous pouvons observer des améliorations considérables dans nos mouvements, notre posture, notre équilibre et nos coordinations , la coordination. Ainsi, grâce à la neuroplasticité, l’organisation d’un mouvement n’est jamais figée et peut se modifier en permanence de l’expérience vécue, et ce quel que soit l’âge.
Pratiquer le Feldenkrais
La Méthode Feldenkrais se pratique en séances collectives de Prise de Conscience par le Mouvement (PCM) et/ou en séances individuelles d’Intégration fonctionnelle (IF).
Séances collectives
Lors des leçons de prise de conscience par le mouvement, le praticien ne fait pas la démonstration des mouvements à exécuter. Il propose d’explorer des séquences de mouvements en guidant verbalement. Ces mouvements sont faciles et variés au fil de séances, ils sont exécutés lentement et répétés plusieurs fois.
Les leçons se font souvent au sol mais peuvent aussi parfois se faire assis ou debout. Les participants sont invités à explorer et observer les sensations liées à leur façon d’organiser leur mouvement. Certaines leçons peuvent demander de fournir un certain effort physique mais il est toujours recherché le mouvement le plus juste, le plus économique. Dans tous les cas, c’est la qualité du mouvement qui est recherchée. Il n’y a ni esprit de compétition, ni efforts musculaires inutiles. Chacun va à son rythme et expérimente la solution la mieux adaptée pour lui afin de découvrir une nouvelle façon d’organiser ses mouvements.
« La lenteur est nécessaire pour démasquer les efforts superflus ou parasites et permettre leur élimination partielle. »
« (…) plus un mouvement vous devient familier, plus sa vitesse augmente et, avec elle, sa puissance. »
Séances individuelles
Les leçons d’Intégration fonctionnelle sont dispensées en séances individuelles. Cette fois, le praticien guide, par le toucher, la personne dans sa prise de conscience et dans son apprentissage. Il ne s’agit pas de manipulations au sens thérapeutique du terme. Le praticien invite la personne à être à l’écoute d’elle-même et lui suggère, à l’aide de ses mains, de façon douce, précise et non intrusive de nouvelles possibilités d’organisation en initiant des mouvements lents et faible amplitude.
« L’intention [de la méthode Feldenkrais] est d’organiser le corps pour qu’il bouge avec un minimum d’effort
et un maximum d’efficacité, non pas au moyen de la force musculaire,
mais par une conscience accrue de son fonctionnement. »
Moshe Feldenkrais
Quelques citations de Moshe Feldenkrais
« Je pense que l’unité du corps et de l’esprit est une réalité objective. Il ne s’agit pas de deux parties plus ou moins reliées entre elles, mais d’un tout fonctionnellement inséparable. »
« En nous concentrant sur les moyens de parvenir au but plutôt qu’en nous talonnant pour y parvenir, nous apprenons plus facilement, plus tranquillement et plus rapidement. »
« A travers le toucher , deux personnes, le touchant et le touché, peuvent devenir un nouvel ensemble : deux corps reliés l’un à l’autre par les bras et les mains forment une nouvelle entité. Les mains sentent en même temps qu’elles dirigent. Tous deux, le touchant et le touché, sentent ce qu’ils ressentent l’un et l’autre à travers leurs mains jointes, même s’ils ne comprennent pas et ne savent pas ce qui est en train de se passer. La personne touchée devient consciente de ce que ressent la personne qui la touche et, sans savoir pourquoi, modifie sa configuration pour se conformer à ce qu’elle sent qu’on attend d’elle. En touchant, je ne demande rien à la personne que je touche ; je sens seulement ce dont la personne touchée à besoin, qu’elle-même le sache ou non, et ce que je peux faire à cet instant pour qu’elle aille mieux. »
« Ce que je cherche, ce ne sont pas des corps souples, mais des cerveaux souples ; c’est restaurer en chacun sa dignité humaine. »
« (…) comment un individu peut-il être amené à trouver ce qu’il y a d’unique en lui et ainsi à apporter une contribution essentielle, non seulement à lui-même, mais à la société ? »
Pour en savoir plus
Moshe Feldenkrais a écrit de nombreux ouvrages, je vous recommande : Energie et bien-être par le mouvement – les fondements de la méthode Feldenkrais chez Dangles éditions. Les citations notées dans cet article en sont toutes extraites.