Pour des activités qui ont du sens, n’oublions pas l’Enfant !

Et si, à force de vouloir trop bien faire, nous oubliions l’essentiel : l’enfant ?

Pinterest, Instagram, blogs… les idées d’activités pour les tout-petits foisonnent, jolies et bien mises en scène. Mais sont-elles vraiment en phase avec leurs besoins et leur développement ? Explorerons ensemble cette question à travers quelques pistes de réflexion.

Entre inspiration et surstimulation

En tant que professionnel·le·s de la petite enfance, qu’il s’agisse d’un accueil individuel ou collectif, ou en tant que parents, nous puisons souvent sur les réseaux une source d’inspiration pour leur proposer des activités.

Pourtant, cette recherche d’inspiration peut parfois nous éloigner de l’essentiel.

Derrière cette envie sincère de bien faire, on glisse parfois (doucement mais sûrement) vers une surstimulation qui fatigue les enfants autant qu’elle épuise les adultes, pris dans une course effrénée d’activités “intéressantes”.

Et lorsqu’on passe des heures à enregistrer, liker, épingler, le risque est de finir par oublier l’essentiel : le besoin réel de l’enfant, ici et maintenant.

Ces publications sont attrayantes, conçues pour donner envie. Mais au fond à qui 🤔 ? Et dans quel but ont-elles étaient produites ?

Face à cette avalanche de “belles” et “bonnes” idées, la tentation est grande d’enchaîner les propositions, de multiplier les activités “occupationnelles” au détriment du jeu spontané de l’enfant. L’enfant se retrouve alors avec un emploi du temps bien rempli, ayant fait de “belles choses”, mais selon quels critères ? et aux yeux de qui ?

Aujourd’hui, rien qu’entre Pinterest, Instagram et les blogs, l’offre d’idées d’activités pour les jeunes enfants semble… infinie. Une simple recherche, et vous voilà avec minimum 50 suggestions d’activités pour la semaine.

Il est alors facile de se laisser happer par les images et d’oublier l’élément central : l’enfant lui-même.

Car lorsque les activités sont choisies avant tout pour leur aspect “sympa” ou “joli” selon nos critères d’adulte, on risque d’oublier ces questions fondamentales :

  • Est-ce que cela correspond là où en est l’enfant dans son développement ?
  • Est-ce que cela correspond à ses intérêts du moment ?t

Penser à toutes les sphères du développement

De plus, la majorité des activités qu’on voit en ligne concernent la motricité fine (dessiner, colorier, découper, enfiler, coller…).

Alors certes, les jeunes enfants ont besoin de développer leur motricité fine. Mais ils ont surtout besoin de développer des compétences dans tous les champs du développement : sensorialité, motricité globale, cognition, communication…

Le risque, à force de voir défiler ces idées “mignonnes” d’activités de motricité fine, de les enregistrer, de les liker… c’est que l’algorithme nous en montre encore plus.

Et peu à peu, cela influence nos pratiques quotidiennes : l’adulte finit par proposer presque uniquement ce type d’activités.

Et comment les propose-t-on souvent ?

👉 Assis sur une chaise, autour d’une table. (Pas tout le monde, je sais. Et tant mieux pour les enfants 🙏)

Le problème, c’est que ces journées remplies d’activités calmes et minutieuses, qui donnent l’impression d’enfants “sages” et concentrés, sollicitent surtout la motricité fine, au détriment d’autres sphères du développement, notamment la motricité globale. Résultat : cela favorise la sédentarité ⚠️.

Or, l’Organisation Mondiale de la Santé (et bien d’autres) le rappelle : la sédentarité est néfaste pour le développement et la santé des êtres humains, dès le plus jeune âge.

Il ne faut donc pas oublier de permettre la motricité globale (bouger, marcher, sauter, grimper, ramper, enjamber, passer dessous/dessus… ) régulièrement, tout au long de la journée et sur des laps de temps conséquents.

💡Pssiiiit : Et bouger, ce n’est pas forcément “se défouler” ou “s’exciter” !

Attention au productivisme

Souvent, ces activités de motricité fine ont une finalité de production : colorier le poisson en rouge, peindre la citrouille en orange 🎃 (et si l’enfant veut la peindre en bleu ? )…

C’est ainsi que dans une société qui a tendance à (sur)valoriser la performance, la production, les résultats visibles ; cette logique s’invite parfois, dans le champ de la petite enfance.

Alors, nous pouvons glisser vers un productivisme, où l’activité sert davantage à « faire quelque chose » qu’à être au service du développement réel de l’enfant.

On cherche des activités « clés en main », jolies, structurées, avec une production à la fin.

Cela peut sembler rassurant de prime abord. L’enfant qui a “produit” quelque chose, et à l’adulte, il paraît évident qu’il a appris, car c’est visible. De son côté, l’adulte qui a proposé l’activité peut avoir l’impression d’avoir “bien” travaillé. Et oui, malheureusement, l’idée reçue selon laquelle un professionnel assis au sol “ne fait rien” persiste parfois encore 😢.

Pourtant, un·e professionnel·le disponible, observant les enfants, les sécurisant par sa présence, ses postures, ses paroles, et intervenant quand cela est nécessaire, assure un travail indispensable au bien-être des enfants et fait un travail de qualité 👍🏻.

Pour en revenir à l’activité celle-ci n’a vraiment de sens que si elle est pensée pour l’enfant, selon son développement et ses intérêts, son rythme propre.

Sinon, elle risque de devenir une simple tâche à exécuter, déconnectée de ses besoins réels et fondamentaux.

ℹ️ Loin de moi l’idée ici de critiquer ou juger les pros qui l’ont fait. J’interroge les logiques sous-jacentes :

  • les réseaux qui valorisent l’apparence et le résultat,
  • la société productiviste et consommatrice,
  • et certaines formations initiales qui manquent de réflexion sur ces enjeux.
 

Alors posons-nous les questions :

👉 Pour qui est cette activité ? L’enfant ? Pour rassurer le parent ? Valoriser le pro ?

👉 Pour quoi la proposer ? Parce que c’est “sympa”, “joli” ? Parce qu’on croit que “réaliser une production” = “apprendre” ?

 

Ici, cela demande de « déconstruire » l’idée reçue que si l’enfant ne produit pas, il ne fait rien, n’apprend pas. Cela demande aussi parfois d’interroger l’idée que pour apprendre, il faut que les propositions ressemblent à ce qui est fait à l’école.

Or, le jeune enfant n’a pas besoin de « produire », de laisser une trace à exposer pour apprendre. Il apprend en vivant des expériences, en explorant son environnement, en agissant sur le monde qui l’entoure.

Une fois de temps en temps, c’est possible.

Mais quand la production prend la place du jeu spontané, il y a un vrai problème ⚠️ !

Et apprendre, pour les enfants de moins de trois ans, ne veut pas dire “faire comme à l’école”. Et “préparer” à l’école maternelle ne veut pas dire reproduire l’école avant l’heure. (D’ailleurs est-ce le rôle des professionnel.les petite enfance ?)

🌱 C’est le processus qui compte, bien plus que le résultat.

Rappelons-nous que le jeu spontané, l’exploration, la répétition, l’imitation sont les moteurs naturels du développement psychomoteur et global de l’enfant. Notre rôle est d’accompagner ces découvertes, pas de les formater dans des objectifs de production.

Chaque âge a ses besoins, chaque enfant son rythme d’exploration.

Si certains parents ont besoin d'être rassurés sur le fait que leurs enfants "font" et "apprennent", c'est normal. C'est à nous, professionnels, de savoir les rassurer, de les accompagner dans l'observation du jeu de leurs enfants et de savoir transmettre (par différents moyens de communication) ce que font leurs enfants.

L’exemple de la pâte à modeler

Prenons un cas concret : la pâte à modeler.

En apparence simple, elle révèle beaucoup sur la posture de l’adulte.

Imaginons un.e professionnel.le avec six enfants entre vingt mois et deux ans autour d’une table avec de la pâte à modeler. Les enfants découvrent pour la première ou deuxième fois cette matière.

Certains émiettent, un fait rouler la boule, d’autres observent. Un enfant appuie avec son index dans la boule, ce qui fait des trous dedans.

L’adulte, enthousiaste, façonne un escargot 🐌, le montre aux enfants (interruption de leur activité propre) : « Regardez le bel escargot ! »

Et là, tout change. Les enfants veulent leur escargot.

Ils tendent leur morceau de pâte à modeler à l’adulte. « Attendez ! Je peux pas le faire à tous en même temps. »

Les enfants regardent l’adulte, attendent. Le premier a son escargot, il le regarde, ne le manipule pas. Arrive le tour du second qui a son escargot. Lui, enthousiaste de jouer avec, le manipule, le déplace sur la table, le tient fermement, ce qui l’aplatit un peu, puis trouve intéressant de « dérouler » l’escargot. L’adulte dit alors « Tu as cassé l’escargot. Tant pis ! Je vais pas t’en refaire un. »

👉 Pourtant la pâte à modeler n’est-elle pas une matière pour faire, défaire à l’infini ? La production de l’adulte a donc une valeur particulière ? L’enfant a fait quelque chose de mal ? Les enfants ont appris quoi de cette activité ?

Revenons sur ce que « font » les enfants. Au début, chacun·e y va de son activité propre. On peut observer le niveau de développement de chaque enfant et ses intérêts particuliers du moment.

Mais à partir du moment où l’adulte, sans s’en rendre compte, impose l’idée de l’escargot, les enfants deviennent presque tous passifs. Ils sont davantage dans l’attente et sollicitent surtout l’adulte pour faire. Et celui qui reprend une activité spontanée essuie un reproche.

Lorsqu’on regarde ce qui se passe dans l’activité, on remarque que l’adulte effectue plus d’actions que l’enfant.

Ici, finalement, l’enfant finit par dépendre de l’adulte pour réaliser ce qui devrait être à sa portée.

À ce moment-là, l’adulte agit plus que l’enfant, et l’activité perd son sens pour lui.

💡 Outil que j’utilise pour accompagner sur ce sujet

Prenez une activité, notez dans deux colonnes :

  • les actions de l’enfant,

  • les actions du·de la pro/adulte.

💁🏻 Si la colonne “adulte” est plus remplie… l’activité n’est certainement pas adaptée ou pas adaptée telle qu’elle est proposée 😉.

 

Pour revenir à ce fameux escargot 🐌 : c’est une compétence de niveau petite section de maternelle qui nécessite de nombreux prérequis et un enchaînement de plusieurs étapes motrices. Avant de la proposer, il faut d’abord s’assurer que l’enfant est en capacité de réaliser chaque action de façon indépendante (ce que savent très bien faire les professeurs des écoles 👏🏻).

Voici les prérequis dans l’ordre où il devra ensuite les enchaîner :

  1. Malaxer la pâte à modeler
  2. Former une boule
  3. L’aplatir légèrement
  4. Former le colombin (dit autrement : boudin)
  5. Enrouler le colombin

Donc avant même de créer un escargot, l’enfant a besoin d’explorer librement la pâte à modeler : malaxer, émietter, assembler, séparer. Ces gestes semblent anodins, mais ils sont essentiels. Ils développent la motricité fine, la coordination et même des notions de mathématiques simples (assembler, diviser, comparer des morceaux). Ce n’est pas « rien », c’est un véritable apprentissage.

Adapter les activités au développement

Proposer une activité sans les prérequis peut bloquer l’enfant et créer une dépendance à l’adulte. Il est important de penser chaque activité comme un cheminement.

 

Une activité pertinente, c’est une progression :

1️⃣ Découverte libre et sensorielle : l’enfant explore, touche, expérimente.

2️⃣ Acquisition de gestes simples, de compétences de base : répétition, amélioration.

3️⃣ Progression vers des gestes ou concepts plus complexes ou enchainement de plusieurs actions.

Chaque étape prépare la suivante 🪜. Brûler ces étapes, c’est risquer de bloquer l’enfant ou de le rendre dépendant de l’adulte pour réussir.

 

C’est pourquoi il est essentiel que les enfants puissent retrouver régulièrement les mêmes propositions. Les jeunes enfants apprennent à travers la répétition et l’entraînement : chaque expérience répétée consolide leurs compétences et leur compréhension.

Proposer trop d’activités différentes, sans lien entre elles, complique leur apprentissage. À l’inverse, quelques propositions bien choisies, adaptées à leur développement, permettent à chacun de s’y retrouver selon son propre rythme.

 

Idéalement, ces propositions offrent plusieurs possibilités d’exploration : toucher, manipuler, observer, créer. Chaque enfant peut ainsi progresser selon ses compétences et ses intérêts du moment, et développer toutes les sphères de son développement.

Une activité pertinente n’est pas une consigne à suivre, mais s’incrit dans un cheminement progressif, respectant le rythme et les besoins de chaque enfant.

Le rôle de l'adulte : accompagner, pas exécuter

Une activité adaptée, qui a du sens pour un jeune enfant, est celle qui :

  • ouvre des possibles sans imposer,
  • met à disposition un cadre, un environnement et du matériel sécurisant et sécurisé
  • donne à l’enfant la liberté d’agir et de créer
  • et surtout, laisse l’enfant acteur de ses découvertes.

Elle repose sur une posture d’adulte qui :

  • accompagne sans diriger,
  • observe avant d’intervenir à bon escient,
  • soutient sans faire à la place,
  • et valorise l’exploration libre.

C’est cette posture qui nourrit l’autonomie, la créativité et le plaisir d’explorer 🌟.

Ainsi, chaque enfant, à partir d’une même situation initiale, pourra vivre des expériences différentes.

“L’exploration des enfants est favorisée et encouragée en toute circonstance. Les professionnels planifient l’activité pour offrir aux enfants une variété de possibilités d’exploration.”

En résumé

Multiplier les activités « pour faire » ne garantit pas des apprentissages durables. La qualité d’une activité se mesure aux expériences vécues par l’enfant (pas à ce que l’adulte expose).

 

Penser une activité pour l’enfant, c’est :

    👐 permettre développer la sensorialité, la motricité (fine et globale), le langage, la cognition

    🌱 favoriser la curiosité et la créativité,

    💭 soutenir l’autonomie et la confiance en soi,

    💡 et préserver le jeu libre, essentiel à son développement.

 

En tant que professionnel.le, notre rôle est donc crucial : être présent, sécurisant, attentif, pour que chaque enfant puisse explorer, découvrir et apprendre… à son rythme et sa manière.

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